L’avenir de la courtepointe menacé au Québec?
Me voilà enfin revenue du Spring Quilt Market au Minneapolis, ou toute l’industrie de la courtepointe s’est rencontrée pour présenter les nouveautés du printemps. Le lieu de rencontre était immense et trois jours n’étaient vraiment pas suffisants pour voir toutes les nouveautés. J’ai eu l’immense privilège de faire partie de toute cette frénésie en tant que nouvelle représentante dans l’industrie. Je portais plusieurs chapeaux si je peux dire car j’étais à la fois propriétaire de magasin, designer de patrons, auteure, gagnante de rubans et, le plus important à leurs yeux, traductrice.
J’ai passé énormément de temps dans le kiosque de Plum Easy Patterns pour présenter leur patron en français et démontrer l’importance de les avoir dans certaines régions que ce soit dû à une forte communauté francophone (Bonjour à tous les francophones vivant à Pawtucket RI) ou un fort taux de tourisme. Tous les gens étaient heureux d’apprendre la nouvelle et était convaincu que c’était la voix du futur : répondre aux besoins d’apprendre à faire de la courtepointe dans notre langue maternelle.
Ce fut un grand souffle d’énergie que j’ai bien absorbé avant de rentrer.
J’ai aussi vraiment adoré rencontrer tous les gens de l’industrie et surtout les voir travailler ensemble pour promouvoir l’art de la courtepointe. C’était tout simplement génial de voir des vedettes demander aux nouveaux designers la permission d’utiliser leur patron avec leur nouvelle ligne de tissus, bien entendu ils ont promis de promouvoir et vendre leurs patrons en retour. J’ai également vu des designers de patron demander la permission à des fabricants d’utiliser leurs nouvelles règles dans la conception de leur prochain patron, bien entendu ils ont promis de promouvoir et vendre leurs règles en retour. Je suis également parvenu à rencontrer des auteurs pour obtenir les autorisations d’enseigner de nouveaux cours en français à la boutique, promettant de promouvoir leurs livres ou patron en retour.
Croyez-le ou non, j’ai même rencontré une autre designer qui a conçu un patron en même temps qu’un des miens. Un de mes éditeurs adorait ma pièce mais trouvait qu’il y avait trop de similitude avec la sienne. Nous avons donc comparé nos patrons et elle était d’avis que nos patrons étaient complètement différents. Elle m’a écrit une lettre stipulant le tout que j’ai pu remettre à mon éditeur et ma pièce sera donc publiée l’an prochain.
Vous voyez ce que je veux dire? Un énorme melting-pot d’idées pour nourrir des millions d’adeptes de la courtepointe à travers le monde.
Ensuite, je rentre à la maison, et suis confrontée à une réalité complètement différente.
J’ai une amie qui fait de la courtepointe moderne et elle possède un énorme talent : en quelques années, elle a été publié à plusieurs reprises et a remporté au moins trois prix. La voilà donc qui attend une autre amie pour prendre un café chez Barnes & Noble et se met à lire un magazine au hasard en l’attendant. Elle remarque une courtepointe dans la revue qui est très similaire à l’une des siennes. Elle décide de ramener le magazine à la maison pour l’examiner. Elle trouve le blog de la personne qui dit avoir conçu la courtepointe et SURPRISE, elle voit l’image de sa courtepointe comme sa source d’inspiration (elle avait mis la photo quelques années auparavant sur son propre blog). Elle écrit donc à la personne pour lui faire savoir qu’elle ne peut pas dire que c’est sa création puisqu’elle a copié sa courtepointe tel qu’indiqué sur son blog. N’ayant aucune réponse de sa part, je l’ai encouragé à poursuivre dans cette quête de justice en écrivant directement à l’éditeur du magazine puisqu’avant même d’être publié nous devons signer un contrat stipulant que les modèles présentés sont nos créations, elle était clairement en violation de cette règle. Nous avons été soulagés d’avoir leur réponse très rapidement. L’éditeur a convenu que le modèle était bien le sien et une correction a été apporté quant à la véritable créatrice du patron, on lui a également promis de lui remettre le cachet prévu. Ce n’est pas beaucoup d’argent, mais c’est toujours apprécié. Croyez-le ou non les photographes sont mieux payés pour photographier les courtepointes.
Un peu plus personnel maintenant. L’an dernier j’ai été enseigné la courtepointe réversible à une guilde dans une autre région, je leur ai aussi vendu quelques patrons qui avaient été conçu avec la technique réversible. Tous semblait très heureux d’avoir suivi le cours et me promettait de me réinviter pour offrir d’autres cours. Il y a un mois, je reçois des appels de ma fidèle clientèle pour m’informer qu’il y a un nouveau professeur de courtepointe dans cette même région et que le modèle présenté est très similaire à l’un des miens. Je mène donc mon enquête et à ma grande surprise, c’est effectivement identique à l’un de mes patrons et le professeur est la personne qui m’a engagé l’année précédente pour venir enseigner. Je n’ai donc pas perdu de temps pour lui téléphoner et l’informer qu’il est important de veiller à ce que les droits d’auteur soient respectés. Que ce serait la moindre des choses de donner le crédit en indiquant la source du patron. On s’est empressé de me répondre que mon patron n’était pas du tout la source de son modèle, qu’il a plutôt été trouvé sur un site internet. Je suis toujours en attente des détails quant au nom du site internet pour la source de son inspiration pour valider.
Alors, comment dois-je réagir? Nous sommes une si petite communauté, pourquoi est-il si difficile de travailler ensemble?
J’ai toujours dit que mon but était de promouvoir l’art de la courtepointe et de le rendre accessible à tout le monde francophone. Je travaille énormément depuis douze ans maintenant pour développer des patrons en français. J’ai été publié au Québec, au Canada, aux États-Unis et tout récemment en France.
Je ne veux pas faire la fatiguante, mais est-ce acceptable?
En encourageant les créateurs de patrons, nous contribuons à la promotion de notre pays, et de la province, comme un pôle incontournable dans l’industrie et nous renforçons notre patrimoine tout en assurant qu’il y aura encore plusieurs générations de quilteuses à venir.
Je tente d’encourager de nouveaux designers à s’aventurer dans la rédaction de patrons et ils sont malheureusement très réticents car il ya beaucoup de travail pour très peu de résultats. Une d’entre elle m’a même avoué avoir rédigé un patron et en a été très découragé car une personne l’achetait pour ensuite faire des copies à ses amis … Un modèle prend au moins 40 heures pour écrire, sans mentionner le temps pour confectionner la courtepointe (gardez à l’esprit que vous en voyez une, mais il y en avait probablement plusieurs avant celle-là).
Nous devrions encourager les designers locaux et promouvoir leurs patrons, pas les photocopier.
Pensez à comment vous réagissez quand vous trouvez une nouvelle recette!
C’est en février dernier que le magazine Ricardo a publié une recette de pain blanc sans pétrissage qui se cuit dans votre casserole. Cela n’a pas pris de temps, tout le monde prenait des photos de leur pain tout juste sorti du four pour les publier sur Facebook en disant combien il était facile à faire. Et tout le monde se vantait d’avoir trouvé la recette dans le magazine. Pas une seule personne a écrit dans un post: Eh! Regardez ce que je viens d’inventer! Je peux faire du pain sans même le pétrir! On n’avait aucun problème de dire à nos amis d’aller acheter le magazine pour y trouver la recette. Et SURTOUT personne n’a pensé : Eh! Je peux faire du pain génial avec cette recette, je vais ouvrir une école de cuisine.
Vous voyez ce que je veux dire? Ne pouvons-nous faire la même chose dans notre industrie?
OK mon cinq minutes de chialage est terminé, je vais plutôt me concentrer sur la raison pour laquelle j’ai ouvert le magasin il y a 12 ans! Je tiens à remercier ma clientèle qui est si merveilleuse et qui offre un soutien incontestable à notre petite communauté d’enseignants et d’auteurs tous unis pour promouvoir l’art de la courtepointe.